C’est Étienne de la Boétie qui écrit dans son “Discours de la servitude volontaire” la chose suivante:

“La liberté, les hommes la dédaignent uniquement, semble-t-il, parce que s’ils la désiraient, ils l’auraient, comme s’ils refusaient de faire cette précieuse acquisition parce qu’elle est trop aisée.”

Il en va de la liberté comme de tout autre état dans cet univers. Il n’est rien qui existe à l’extérieur qui ne proviennent du dedans. L’homme, c’est indéniable, naît libre. La liberté est donc inhérente à l’homme. Elle est un trésor dont la nature nous gratifie dans le but de voir sa conscience évoluer sans entrave. C’est le processus et l’objectif théorique qui définit la vie : l’épanouissement de la conscience.

La vie part d’un état. La vitalité, le processus de conscientisation de cet état, l’objectif final étant la pleine conscience de ce même état.

S’agissant de la liberté, puisqu’elle est inhérente à l’homme, comment se fait-il que nous la perdions ? Comme le dit La Boétie, l’homme doit désirer quelque chose pour éprouver l’envie de le posséder. C’est la passion qui permet à l’homme d’aspirer à quelque chose. 

Se pourrait-il donc que l’homme, toujours plus enclin à la passion, se laisse mener par elle dans l’illusion d’une liberté qui lui permet de l’assouvir alors que par la même, c’est-à-dire en cédant à la passion, il perd cette liberté ?

Et que de fait, germant en lui la passion de la liberté, il peut ressentir le désir de la gagner à “tout pris”.

L’homme ne se passionne-t-il pas uniquement pour ce qu’il ne possède pas ? Ne se prive-t-il pas lui-même de cette attribut qu’il porte en lui pour y vouer une véritable passion ? Il s’en déposséderait donc inconsciemment pour faire naître en lui le désir de la conquérir.

On ne peut pas attendre du pouvoir qu’il nous garantisse la liberté. Ce serait comme attendre de Dieu qu’il nous libère de nos péchés. Si tel était le cas, ils n’auraient plus aucune légitimité. Et ce n’est pas l’État en effet qui nous prive de nos libertés, mais bien nous-mêmes qui les lui donnons en gage. Donner en gage implique que l’autre me fasse don de quelque chose en retour. Mais est-ce bien le cas ? Pour que ce le soit, encore faudrait-il être conscient de ce que je suis l’initiateur de ce processus de réciprocité et que je ne reçois en retour que ce que j’ai moi-même transmis. Sans quoi, l’autre a tôt fait de se l’approprier et de poser des conditions à sa restitution.

C’est en l’ex-primant que l’homme commence à perdre sa liberté, car dans sa conception de la vie tournée sur l’apparence, il attribut à son prochain les qualités intrinsèques qu’il projette dessus. Et l’ex-térieur prime. C’est de cette méprise que découle la privation. De fait, il pense devoir tout gagner qu’il a d’emblée en lui. Il n’est rien qui soit dehors qui n’eut été dedans. Il n’est rien dont on se prive qui ne saurait susciter l’en-vie. La passion naît donc de la privation et la liberté ne fait pas exception.

Pas de quête sans conquête. L’homme a besoin de son prochain (con) pour aller chercher ce dont il se languit (quérir) car la passion n’est pas une quête, elle est une con-quête.