Paradoxalement, c’est la MAT-ière, cette substance grossière consistant en un amas de particules liées, qu’on doit bien appeler substance “fine” car elle est finie. C’est la LUM-ière qu’on appelle substance “in fine” car elle est infinie. Et la substance “fine” n’apparaît que par le biais de la substance “in fine”. La MAT-ière est une substance LUM-ineuse MAT-ée, une LUM-ière MATE pour ainsi dire. Et si la LUM-ière est “in fine”, c’est parce qu’elle est retenue dans la substance “fine”. N’est-ce pas cela qu’on appelle photosynthèse ?
Nous rayonnons de l’intérieur. Si nous ne retenions pas la lumière, jamais la matière ne serait apparente. Et sans matière, la lumière ne pourrait jamais déployer son pou(r)-voir. Les étoiles en feu nous gratifient de leur lumière qui n’est que le reflet de la lumière retenue prisonnière de la matière dont elle émane. Si la lumière n’était jamais retenue, rien ne serait apparent, pas même la lumière. Et il ne suffit pas qu’elle soit capturée pour briller ; encore faut-il qu’elle soit irradiée et réfléchie.
La lumière invisible (le photon) est faite prisonnière de la matière. La matière la rayonne et la projette sur une surface elle-même matérialisée qui la réfléchie. Alors seulement, la matière sort de son obscurité et devient apparente. C’est ce qu’on appelle “intrication quantique” : deux ob-jets interagissant, quelle que soit la distance qui les “sépare”. La source de rayonnement ne devient donc apparente qu’une fois que la lumière qui émane d’elle lui est renvoyée. L’autre peut-on dire, me renvoie ce que je détiens en moi et vice versa. Le su-jet n’apparaît que s’il se projette sur l’ob-jet, c’est-à-dire moyennant qu’il se projette en pleine face de lui même (sur ce qui se trouve en face de lui).
La terre entretient sans doute un tel rapport avec son étoile. Le cœur du soleil serait 100 fois moins chaud que la couronne solaire qui peut atteindre les 2 millions de degrés. C’est précisément l’inverse de la terre dont le noyau est en fusion et la croûte “froide”. On pourrait donc imaginer que nos deux astres projettent l’un sur l’autre ce qu’ils sont au cœur d’eux-mêmes.
N’est-ce pas la règle axiomatique qui définit l’essence même de toute réciprocité ? Un va-et-vient incessant entre deux objets assujettis l’un à l’autre ? Quelle que soit sa forme, sa masse et son volume, la MAT-ière retient en elle la LUM-ière et l’irradie. Le corps extérieur devient visible dès lors que cette lumière irradiée lui est renvoyée. Ainsi chaque sujet est éclairé par sa propre lumière que l’objet lui renvoie. Il existe donc un rapport intime entre le corps visible et le cœur invisible de ce corps : MAT-ière et LUM-ière entretiennent un rapport individuel qui se formalise dans la réciprocité tout en restant indivisible.
Sans matière, pas de lumière ; sans lumière, pas de matière. La lumière dématérialisée file sans être vue à 300 000 km/sec. et traverse les particules désolidarisées sans en rester prisonnière. Il faut qu’une masse se crée pour que la lumière puisse être retenue. La vie matérialisée ne naît donc que du fait qu’elle retient la lumière prisonnière. Comment vivre libre si d’emblée, la vie implique un con-fine-ment ? Mais comment vivre sans confiner la lumière ? C’est elle qui donne à la matière son énergie et cette énergie, elle la déploie dans l’espoir de se libérer de cette prison à laquelle elle donne tout son éclat. Nous brillons autant que nous rayonnons.